Les fans du Bayern aimaient déclarer à qui voulait l’entendre que leur club de coeur avait été résistant. Pendant la période nazie, le Bayern Munich, aurait fait de la « résistance passive ». Quand tous les autres clubs de football auraient accepté la mise au pas des nazis, le Bayern aurait, lui, trainé les pieds. L’article du monde du 30.09.2016 nous apprend que « le club n’avait jamais activement mis en avant sa prétendue attitude « héroïque » sous la dictature ». C’est faux. Le club, dans son musée de la Erlebniswelt à Munich, affirme clairement n’avoir jamais collaboré avec le régime nazi et détaille même certains actes d’opposition.

Logo du FC Bayern München
L’historien Markwart Herzog, s’appuyant sur des comptes-rendus d’assemblée générale du club est catégorique: « La vision présentée par le Bayern dans son musée du football, affirmant que le club s’était tenu à distance du national-socialisme n’est pas tenable ».
La situation crée un vif débat dans la sphère munichoise. Nous allons essayer aujourd’hui d’y voir un peu plus clair.
Crée en 1900, à Schwabing, quartier désormais étudiant et branché, le Bayern Munich était un petit club comme les autres, fondé par des passionnés de football. Il devient pourtant peu à peu un club professionnel, et gagne son premier titre de champion d’Allemagne en 1932, l’année précédent l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
C’est donc en 1933 que tout se complique pour le club et sur cette période que les historiens se chamaillent. Le club, ayant beaucoup de juifs en son sein, est classé « club juif » par les autorités et doit se soumettre aux lois d’aryanisation.
Pour les partisans de l’histoire « positive », le Bayern a alors résisté à cette mise au pas. Ils évoquent plusieurs gestes pour justifier la résitance passive du club.
Tout d’abord, il évoque une bagarre en 1934 avec des chemises brunes. Deux ans plus tard, l’ailier du Bayern, Willy Simetsreiter, a lui tenu à se faire photographier avec Jesse Owens, qui avait mis en colère Hitler en remportant quatre médailles d’or aux Jeux olympiques de Berlin.

Willy Simetsreiter avec Jesse Owens
De plus, le défenseur latéral Sigmund Haringer échappa de justesse à la prison pour avoir osé un jour décrire un défilé de drapeaux nazis comme un « théâtre pour enfants ». Enfin, le capitaine Konrad Heidkamp et son épouse auraient caché les médailles et les coupes du Bayern quand d’autres clubs avaient écouté l’appel d’Herman Göring à participer à l’effort de guerre en envoyant les trophées afin de les faire fondre et les utiliser pour l’industrie de l’armement.
Mais l’acte de défiance le plus symbolique eut lieu à Zurich en 1943. Après un match amical contre l’équipe nationale suisse, les joueurs du Bayern se sont alignés devant leur ancien président juif exilé depuis 1933, Kurt Landauer, dans les tribunes à ce moment là, afin de lui rendre hommage.
Tout cela semble bien joli et nous envoie l’image d’une résistance plus que passive. Cependant, un historien, Markwart Herzog, s’est mis à fouiller les archives pour affirmer que le club, contrairement à ses affirmations, s’est parfaitement accommodé de la dictature nazie qui a pesé sur l’Allemagne de 1933 à 1945. Il s’est pour cela appuyé sur les archives du tribunal d’enregistrement de Munich où les associations sportives déposaient leurs statuts et les modifications.
En passant devant les différents panneaux du musée du Bayern Munich intitulés « 1933-1965 Années amères, temps difficiles », Herzog développe son analyse : « Ici, vous voyez, l’on comprend que les juifs sont forcés de quitter le club à cause des nazis. Or il n’en a rien été. C’est le club qui, dès le printemps 1933, commence à exclure ses membres juifs. Les statuts montrent qu’en 1935, il ajoute un paragraphe d’aryanisation alors que ce n’est qu’en 1940 que les clubs seront obligés par la loi de se débarrasser des juifs. Ce faisant, le club devance les attentes du nouveau régime qui n’était pas encore ouvertement antisémite, car il voulait faire bonne figure aux yeux du monde avant les Jeux Olympiques de Berlin, en 1936. » Une « obéissance anticipée » pour plaire au nouveau régime de peur de ne plus être autorisé à jouer et dont Herzog s’indigne.

Les joueurs du Bayern, champions de Bavière en 1944, sont félicités par les officiels nazis.
Pour lui, le Bayern résistant n’est qu’un mythe. Prendre une photo avec un athlète noir ne s’avère pas être un acte de résistance. Il se questionne également sur les preuves du refus du club de fondre les coupes pour participer à l’effort de guerre nazi exigé par Hermann Göring. Puis il conclut : « Le Bayern n’a été ni meilleur ni pire que les autres clubs ».
Résistant ou pas? Le Bayern Munich, après un long silence embarrassant, a finalement décidé d’engagé un groupe d’historiens indépendants afin de faire toute la lumière sur la période nazie. Affaire à suivre.
Sources :
https://www.theguardian.com/football/2012/may/12/bayern-munich-anti-nazi-history
https://www.lequipe.fr/Football/Article/La-part-d-ombre-du-bayern/784096