C’est ce que l’on appelle des scandales à répétition. En effet, la police allemande est depuis quelques années au coeur d’affaires liées à l’extrême-droite. Si vous ne suivez pas l’actualité allemande, vous êtes peut-être passé(e) à côté de ces informations. Je vous propose donc un petit rappel non exhaustif.
En 2020, 29 policiers du Land de Rhénanie du Nord ont été suspendus après le découverte d’un groupe Whatsapp faisant l’apologie du IIIème Reich. En effet, les policiers s’échangeaient des photos d’Hitler, de croix gammées ou encore de blagues et de propos racistes. Cerise sur le gâteau, on a même retrouvé un montage photo mettant en scène un migrant dans une chambre à gaz. Ce groupe était apparemment actif depuis de nombreuses années. Cela n’est pas la première fois que des membres de la police se sont fait prendre à ce petit jeu. Déjà en 2018, 5 policiers avaient été arrêtés à Francfort car ils avaient monté une « cellule néo-nazie » et partageaient leurs idées sur Whatsapp. Là encore on a retrouvé des photos du Führer, des croix gammées, et même la preuve que la cellule avait envoyé une menace de mort à une avocat d’origine turque. Dans la Hesse, un responsable de la police a dû démissionner après avoir été surpris à aider des groupes d’extrême droite en fournissant les adresses de personnalités d’extrême gauche ou d’autres informations personnelles à leur sujet. En outre, on peut aussi citer la dissolution du KSK (Kommando Spezialkräfte : les forces spéciales d’intervention allemandes) par le gouvernement allemand l’année dernière. En cause, « une culture toxique de certaines personnnes à la tête du KSK ». Cette culture toxique désigne l’appartenance à des milieux néo-nazis. Au passage, 48 000 munitions et 62 kilos d’explosif se sont volatilisés des locaux du KSK. Un brin inquiétant, surtout qu’on a retrouvé dans la foulée 2 kilos d’explosif, un fusil d’assaut, deux couteaux et…une arbalète (!?!) dans le jardin d’un des gradés du KSK. Tout ceci était accompagné de milliers de munitions ainsi qu’un recueil de chansons nazies, des magazines de la SS, et d’autres objets liés au IIIème Reich. Je pourrais vous citer ici des dizaines d’autres exemples qui montrent l’infiltration des nazis dans la police. Bien loin de moi l’idée de jouer les Cassandre mais ce phénomène n’est tout de même pas sans rappeler la montée du nazisme dans les années 20.
En effet, la mise au pas de la police a joué un rôle important dans la mise en place d’une dictature par Hitler. En fait c’est surtout Hermann Goering qui avait compris l’importance de maîtriser la police et de s’appuyer sur cette force pour mettre en place le nazisme. Lors de ces fonctions de Vice-Président du Reichstag en 1928, puis de Président quatre ans plus tard, il avait réussi à nouer des contacts importants au sein de la police et avait bon nombre d’informateurs au sein des services. Puis, lorsqu’il devint Ministre de l’Intérieur de Prusse en 1932, il prit alors la tête de la police du plus grand Land d’Allemagne (avec notamment à sa charge la police de Berlin)! Il en profita dès son arrivée pour licencier 22 des 32 chefs de la police de Prusse pour les remplacer par des fidèles. En outre des centaines de fonctionnaires jugés réticents aux idées nazisme ont été également renvoyés. Pour couronner le tout, il engagea 50 000 SS et SA en tant qu’auxiliaires de police. Quand on sait que bon nombre de SA étaient de petits voyous avec des casier judiciaires qui adoraient la bagarre de rue, on se serait cru dans un polar où les méchants sont devenus des flics.

D’ailleurs, on a retrouvé un témoin des conséquences de l’incorporation de ces voyous au sein des services de police : il s’agit du jeune policier Hans Bernd Gisevius. Gisevius déclara à propos de l’atmosphère qui régnait dans un des bureaux de police : « J’avais à peine passé deux jours dans ce nouveau bureau de la police lorsque j’ai découvert les conditions incroyables qui y régnaient. Ce n’était pas là une police qui s’opposait aux émeutes, aux meurtres, aux vols et aux détentions illégales mais une police qui protégeait les coupables de tels méfaits. Après deux jours seulement, je demandais à un de mes collègues : « Dis-moi, suis-je dans un bureau de police ou dans un repaire de truands? Il m’a répondu : « tu es dans un repaire de truands et tu n’as encore rien vu ». »
Avec une police aux ordres, les nazis étaient prêts à mettre au pas la société allemande. Ne manquait plus qu’un prétexte, qui arrivera moins d’un mois après l’accession d’Hitler au pouvoir : le 27 février 1933, dans la soirée, le Reichstag est en flamme. Très vite, le coupable a été arrêté. Il s’agissait d’un jeune communiste du nom de Van der Lubbe.

Coupable idéal pour les nazis qui avaient bien entendu fomenté l’incendie. En prétextant une tentative de coup d’état communiste, les nazis ont fait signer peu après à Hindenburg (qui n’a rien trouvé à redire) la fameuse ordonnance « pour la protection du peuple et de l’Etat » qui marquera la fin de la démocratie allemande et le début de la dictature. Cette ordonnance interdira en effet les libertés individuelles, la liberté de la presse, de réunion, etc. Elle permettra l’incarcération de plus de 5000 communistes, grâce à cette nouvelle police de Goering, qui avait préparé une liste depuis plusieurs semaines.
Vous comprendrez aisément où je veux en venir. Certes, il ne faut pas faire de parallèle entre la prise de pouvoir des nazis et ce qui se passe actuellement en Allemagne. Mais il faut cependant rester vigilant sur ce genre de phénomène et savoir tirer les leçons de l’Histoire pour éviter de reproduire les mêmes erreurs. Avec notamment les bons résultats du parti d’extrême droite AfD en Allemagne, qui compte beaucoup de nazis en son sein, il est important de faire le ménage dans la police (et c’est ce que fait le gouvernement allemand). Car une police infiltrée par l’extrême droite peut s’avérer un excellent outil dans les mains d’éventuels élus aux idées antidémocratiques de demain…Ce qui est hélas une éventualité!
Sources :