Hitler était-il un junkie?

C’est un sujet qui passionne l’opinion : Hitler était-il un junkie? Il est vrai que lorsque l’on tombe sur des images du Führer en plein discours, la sueur au front, les yeux exorbités, effectuant des gestes brutaux, le tout mélangé au timbre de sa voix puissante (bien aidé par les technologies de l’époque), on pourrait croire à un homme complètement possédé, ou sous influence de la drogue.

Cette hypothèse plaît à ceux qui font d’Hitler le diable en personne, dépourvu de toute humanité. Ces derniers se complaisent à dresser le portrait d’un monstre totalement fou, drogué, complexé, et incapable de tenir ses nerfs. La réalité est plus complexe. Comme Hannah Arendt l’a démontré à l’occasion du procès  d’Eichmann, « il eut été réconfortant de croire qu’Eichmann était un monstre ». Pourtant, écrit-elle, beaucoup comme lui, lui ressemblaient « ni pervers, ni sadiques ». Ces gens étaient « effroyablement normaux ». Elle s’attendait à voir un monstre chez Eichmann, elle fit face à un homme banal qui avait commis des choses horribles: la fameuse banalité du mal. Hitler, il est vrai, avait un souvent comportement anormal, et ce sur plusieurs aspects. Colères noires, déprimes, euphories, l’homme avait une personnalité peu équilibré. La drogue a-t-elle joué un rôle? Alors Hitler, un junkie ou pas?

Pour le savoir, nous allons nous pencher sur sa santé, ce qui nous permettra d’expliquer la situation du Führer quant à la drogue. Hitler, pendant sa jeunesse, est en bonne santé. Quoiqu’un peu pâle et maigre, il est l’unique survivant d’une fratrie de 5 enfants, ce qui prouve une bonne résistance aux maladies. Pour autant, Hitler est hanté par la mort de sa mère Klara, emportée par un cancer à l’âge de 47 ans.

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Klara Hitler (mère)

Ce fut un terrible drame pour le jeune Adolf, qui sera par la suite persuadé toute sa vie qu’il mourra d’un cancer.

Et c’est là l’un des problèmes d’Hitler : il est hypocondriaque. Chaque fois qu’il a mal quelque part, cela se transforme en son esprit en une maladie grave. Pourtant, il refusera souvent de consulter un médecin, de peur sans doute qu’on lui annonce le pire. Et le Führer va ressentir différentes douleurs au cours de sa vie.  Les premières douleurs apparaissent après la première guerre mondiale, et se situent au niveau de l’estomac, dont il se plaint quotidiennement. Crampes, reflux, gaz, il se devait même d’interrompre parfois des réunions pendant des heures afin de s’allonger. Il est vrai que la nourriture a dû jouer un rôle dans les maux de ventre du dictateur. Hitler mange mal, vite et ne mâche presque pas ses aliments à cause d’une dentition en piteux état. Hitler est également insomniaque, ce qui n’aide pas son corps à se régénérer.

C’est en 1936 qu’Hitler trouvera des solutions à ses douleurs gastriques et ses flatulences. Il rencontre le docteur Theodor Morell, sur les conseils de son photographe officiel, Heinrich Hoffmann.

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Theodor Morell (à gauche)

Morell est un docteur qui souffre d’une réputation de charlatan auprès de ses collègues médecins. Ses méthodes orthodoxes sont loin de faire l’unanimité. Pourtant, c’est lui qui mettra un terme provisoire aux douleurs d’Hitler. Celui-ci va proposer au Führer un traitement afin de renouveler sa flore intestinale, nommé Mutaflor. Une technique peu connue à l’époque. Les résultats son probants. Au bout de quelques semaines, les douleurs d’Hitler disparaissent. Morell, le médecin arriviste et carriériste, est alors nommé médecin personnel du Führer. Pourtant, Hitler n’en a pas fini avec ses crampes d’estomac. En effet, le remède de Morell traite simplement les symptômes, mais ne guérit pas véritablement Hitler. Et c’est ainsi qu’un an plus tard, les douleurs réapparaissent. Ces crampes sont certainement la conséquence du mode de vie d’Hitler, qui ne mange pas équilibré (il est devenu végétarien de surcroît), ne fait pas de sport, ne dort pas, dépense de l’énergie dans ses discours, et est beaucoup trop nerveux.

Mais pour Hitler, le diagnostic est simple : il souffre d’un cancer, comme sa mère. Ce qui est intéressant d’analyser, c’est à quel point ce poids de la peur de mourir jeune d’un cancer va peser sur la politique du Führer. Comme l’a bien analysé François Kersaudy, l’année 1937 est une année charnière. Hitler, qui est persuadé qu’il a peu de temps à vivre et qui l’annonce même dans une réunion du parti, veut accélérer sa politique afin de réaliser ses desseins. Il tient ainsi à régler le problème de l’espace vital avant sa mort car il est, selon lui, le seul à pouvoir le faire. Il accélère également le réarmement de la marine, afin d’être préparé à la guerre. Il écrit même son testament en 1938 et déclare à ses généraux, que, comme il lui reste peu de temps à vivre, « mieux vaut déclencher un conflit maintenant ». Pour résumer, l’hypocondrie d’Hitler est donc en partie responsable de l’accélération de la montée des périls et du conflit mondial. Quand on dit qu’un seul homme peut changer le cours du monde, preuve en est avec Hitler. Lors de l’éclatement de la guerre, les nerfs du Führer sont mis à rude épreuve et le docteur Morell également. Hitler suit l’intégralité des opérations depuis un poste avancé, et stresse en permanence. Morell prépare alors pour son patient, qui doit trouver de l’énergie sans manger ni dormir correctement, des concoctions plus ou moins folkloriques. Pendant les semaines du conflit en France, Hitler est épuisé et à bout de nerfs. Il demande toujours plus de traitements. Morell s’exécute, sans jamais expliquer clairement à Hitler de quoi sont composés ses solutions. Des vitamines, du coeur, des acides aminés, de la caféine, du foie, des testicules de taureaux : Hitler reçoit des centaines d’injection. Il faut dire que le Führer veut s’occuper de tout. Son état psychique commence également à se dégrader. La suractivité affecte son esprit et son corps.

A partir de juin 1941, Hitler s’installe dans la fameuse Tanière du Loup, non loin de Rastenburg, afin de suivre l’opération Barbarossa, visant à envahir la Russie. Le climat dans cette contrée de l’actuelle Pologne est difficile. Situé dans un marécage, l’atmosphère dans le bunker est lourde, ce qui n’arrange pas la santé d’Hitler.

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Hitler et Goering à la Tanière du Loup

Pour l’aider, le docteur Morell continue ses injections. Hitler, qui ne dort presque pas la nuit, est mis sous sédatif. Le jour, il prend des stimulants pour rester éveillé. Le tout mélangé à un cocktail de vitamines et d’autres substances.  Le Führer est même victime d’une attaque de dysentrie, provoquant des diarrhées aigües. Pire encore, Hitler se plaint de douleurs de poitrine; on lui fait un électrocardiogramme. Le verdict tombe, le Führer est victime d’une sclérose évolutive des artères coronaires. En d’autres termes, les artères d’Hitler commencent à se rétrécir, ceci dû à de l’hypertension. Tout ceci reste bien entendu secret. Personne n’a le droit de communiquer sur la santé du Führer, sous peine de mort.

Mais Hitler n’a pas le droit de s’arrêter. Ainsi, il ne change pas son mode de vie, malgré la nécessité de prendre du repos. Réunions qui durent jusqu’au petit matin, repas très déséquilibrés, stress. Il commence peu à peu à avoir des mots de tête, en plus des crampes. Morell est sans cesse mis à contribution.La liste de ses préparations est impressionnante. On se demande comment un seul homme peut supporter cela. François Kersaudy, dans son livre « les secrets du IIIème Reich » liste parfaitement les médicaments de Morell : « Brom-Nervacit, Eukodal, Optalidon et Eupaverine pour les nerfs, Cardiazol, Diginalid et Coramine pour le coeur, Dolantin pour les spasmes, Euflat, huile de ricin et pilules de Koester pour le météorisme abdominal, Calomel et Mitilax pour la constipation, Eupaverine pour les coliques, Testoviron pour l’insuffisance hormonale, Ultraseptyl pour les refroidissements, Luminal pour les insomnies, en plus bien sûr des concentrés de vitamines Glyconorm et Vitamultin pour le tonus, des hormones et extraits de testicules de taureau Orchikrin et Prostakrin pour l’impuissance, du Mutaflor pour régénérer la flore intestinale et même des sangsues pour les maux de tête. »

Un des médicaments a ici toute son importance : l’Eukodal. Cet analgésique (anti-douleur) est dérivé de l’opium. Il provoque des effets, comme les drogues dures, d’euphorie, mais également, à haute de dose, de dépression morale. Ce médicament est par ailleurs hautement addictif. C’est ce qui a permis à la famille Sackler, qui le commercialisait, de faire fortune. Hitler en prend tous les jours par intraveineuse. Les effets sur son esprit, en plus des autres médicaments qu’il prenait, n’a pu qu’être désastreux. Anxiété, euphorie, paranoïa, tout est lié.

De plus, l’état du Führer évolue également selon les situations militaires. En cas de victoires, les douleurs s’atténuent. Lorsque les défaites s’accumulent, à partir de 1941-42, ses maux reprennent de plus belle. Ainsi, vers la fin de la guerre, Hitler ressemble à un cadavre ambulant : Il bave, il ne peut marcher que quelque mètres, sa jambe étant paralysée, il a le dos voûté, le visage figé, des oedèmes.

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Dernière apparition publique d’Hitler

Ainsi, les autres médecins qui ont pu cotoyé Hitler commencent à comprendre ce dont quoi souffre le dictateur : la maladie de Parkinson. Morell le comprend lui aussi, mais plus tard. C’est à partir du 15 avril 1945, soit 2 semaines avant sa mort, qu’il commence à lui administrer du Homburg 680, seul médicament connu à l’époque pour traiter les symptômes de Parkinson. Hitler se suicide le 30 avril 1945 dans son bunker, avec Eva Braun. Ses cendres sont brûlées dans le jardin de la Chancellerie.

L’addiction d’Hitler à la drogue, et notamment au dérivé de l’opium est donc avérée. La faute à son médecin, le docteur Morell, qui a administré cette substance au Führer, sans le mettre au courant de ce qu’il lui injectait. Hitler a quant à lui toujours refusé de prendre de la morphine; il a vu les effets désastreux sur le gros maréchal Goering.

Mais le jugement du dictateur a donc été largement altéré par la prise de plus de 80 médicaments journaliers pendant huit ans. On comprend mieux pourquoi il déplaçait, à la fin, des armées qui n’existaient pas sur ses cartes, ses phases d’euphorie et de dépression, son impression de tout contrôler alors qu’il ne contrôlait plus rien. Il faut en revanche faire attention à ses accès de colères, qui datent d’avant la prise de ses médicaments. Hitler, en effet, était capable d’entrer dans des rages folles, puis de se calmer en quelques instants. Déjà d’un naturel peu stable, la drogue et les médicaments ne l’ont certainement pas aidé. On ne peut certes pas expliquer et cautionner la politique du IIIème Reich parce qu’Hitler était un « junkie », car la solution finale, la guerre, la quête d’un empire millénaire aurait dans tous les cas eu lieu. Mais il est important de se rappeler qu’Hitler était un homme hypocondriaque, menant une vie malsaine, et plombé par les médicaments, ce qui a grandement influencé ses décisions et sa vision du monde. C’est aussi une partie de l’Histoire.

Sources :

Les secrets du IIIème Reich, François Kersaudy, éd. tempus.

https://www.lesechos.fr/09/09/2016/LesEchosWeekEnd/00044-019-ECWE_hitler–le-plus-dangereux-junkie-de-l-histoire.htm

 

 

 

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