Comme chacun sait, de nombreux nazis ont réussi, après la guerre, à fuir l’Europe pour échapper à la justice. La majorité des criminels empruntait un itinéraire bien connu. Ils passaient par le sud de l’Allemagne (notamment par la Bavière et Munich) puis descendaient vers le Tyrol autrichien, véritable nid d’anciens nazis, pour ensuite gagner l’Italie. Il s’envolaient enfin pour des pays lointains. La Syrie, l’Iran, mais surtout l’Argentine et le régime de Perón, ravis d’accueillir les anciens nazis (le dictateur était un grand « fan » d’Hitler).
Afin de pouvoir s’envoler vers une nouvelle vie, les nazis devaient obtenir des faux papiers, et l’organisme en charge de les délivrer n’était autre que la Croix-Rouge. Parmi les différents nazis qui ont pu gagner l’étranger, on peut citer Klaus Barbie, Josef Mengele, Adolf Eichmann ou encore Erich Priebke.
Mais la Croix-Rouge a-t-elle été réellement complice de la fuite de ces criminels?
Ce qu’il est important de comprendre avant de rentrer plus dans le détail, c’est que le CICR (Comité International de la Croix-Rouge) obéissait alors à une seule règle fondamentale : le principe de neutralité. Ainsi, la Croix-Rouge et sa direction s’employait à ne favoriser ou à défavoriser aucune nation, quelque soit le passif de celle-ci. Une aubaine pour le IIIème Reich.
C’est donc le CICR qui porta seul sur ses épaules la lourde responsabilité de l’accueil des millions de réfugiés dans les mois qui suivirent la guerre. La distribution de papiers d’identité n’était pas la mission première de la Croix-Rouge, mais face à l’importance des mouvements de population, et l’incapacité des états à gérer ces flux, le CICR devint malgré lui la principale organisation internationale à délivrer les précieux documents. La Croix-Rouge fut donc reconnue légitime à délivrer les passeports.

Exode en 1945
Il faut savoir que chaque réfugié sans papier (ce qui représentait des milliers de personnes) voulant voyager devait impérativement se munir de papiers d’identités. En Allemagne, ce sont les Alliés qui fournissaient les visas, après des recherches approfondies, ce qui poussa les anciens criminels à prendre la route, parmi les convois de « vrais » réfugiés, et se diriger vers l’Italie, où le CICR distribuait la majorité des documents d’identités, dans l’espoir d’en obtenir sans être embêté par des questions lié à leur passé.
En effet, le CICR fournissait des passeports « à toutes les personnes que la guerre a d’une manière ou d’une autre forcées à quitter leur lieux de résidence, à la condition qu’elle ne possède pas de passeport valide, qu’elles ne puissent pas en acquérir un nouveau, que le pays d’où elles arrivent soit leur pays de résidence et que celui où elles désirent se rendre accepte leur entrée ». Un critère plus que léger qui attira nombre de nazis. Il suffisait de se déclarer sans passeport valide afin d’en obtenir un nouveau, en s’inventant une fausse identité. Peu importe si vous étiez allemand ou croate, on vous délivrait un document, puisque la règle d’or du principe de neutralité primait avant tout.
D’autant que pour prouver votre identité, il suffisait jusqu’en 1947 de disposer de deux témoins qui confirmaient vos propos. Imaginez la facilité pour un SS de trouver deux témoins dans un camp de réfugiés ou de prisonniers de guerre pour confirmer une fausse identité. Un laxisme volontaire?
De plus, le problème du CICR, c’est qu’il fut vite submergé par le nombre de demandes, ce qui n’arrangea pas les choses. De fair, la Croix-Rouge, très proche du Vatican, délégua son action à différents comités du Vatican afin de distribuer les papiers d’identités et de gérer l’urgence du flux migratoire.
Ainsi, des membres importants d’organisations liées au Vatican et/ou proches de la Croix-Rouge, très bienveillants à l’égard des criminels nazis, comme Montseigneur Krunoslav Draganović, profitèrent de ces nouvelles prérogatives pour les aider à partir en Amérique du Sud.

Krunoslav Draganović
Draganović, vice-président de la commission croate d’assistance aux réfugiés, fut par exemple mandaté par la Croix-Rouge afin d’aider à distribuer les passeports. Il en profita pour obtenir un visa à Klaus Barbie qui s’envola vers l’Amérique du Sud.
Un évêque autrichien, Aloïs Hudal, aida également, grâce à son influence considérable au sein du Vatican et à la Croix-Rouge, beaucoup de nazis à prendre la fuite. Ainsi, ce nazi convaincu aida Adolf Eichmann, l’organisateur de la Solution Finale. Ce dernier obtint le , à Gênes, un passeport du CICR, établi au nom de « Ricardo Klement », né le à Bolzano en Italie, ainsi qu’un visa argentin.
Pour conclure, il faut bien dire que la Croix-Rouge joua un rôle crucial dans la fuite des nazis. Par son laxisme, elle permit à des criminels d’obtenir de faux papiers et de fuir la justice.

Le faux passeport d’Eichmann
Certes, la Croix-Rouge permit d’aider des centaines de milliers de « vrais » réfugiés à obtenir des papiers leur permettant de s’offrir une nouvelle vie. Mais sa politique de neutralité totale et l’absence de critères et de rigueur dans l’obtention de passeports en fit un complice actif de ces criminels de guerre.
La question que l’on est en droit de se poser est : cette politique de neutralité était-elle délibérément mise en place pour favoriser la fuite de ces criminels? En d’autres termes, la Croix-Rouge a-t-elle été conciliante envers le IIIème Reich?
Si la réponse est difficile à apporter, il est clair que certains éléments sont troublants. Tout d’abord, Carl Jacob Burckhardt, président du CICR de 1945 à 1948, était un germanophile convaincu. Haut commissaire de la Société des Nations à Dantzig en 1939, il aimait la culture allemande, la personne du Führer et approuvait la politique du IIIème Reich afin de faire barrage au communisme.

Carl Jacob Burckhardt
Burckhardt était bien au courant de la persécution des juifs, mais n’intervint jamais pour aider ces derniers, en mettant en avant ce fameux prétexte de neutralité. La Croix-Rouge allemande fut quant à elle dirigée par les nazis eux même, qui envoyèrent d’ailleurs un rapport élogieux à la direction du CICR sur le camp de Dachau, qui aurait traité convenablement ses prisonniers.
Il est aujourd’hui prouvé que la Croix-Rouge savait, au minimum dès 1942, que la politique d’extermination des juifs était en place. Elle n’a jamais rien fait pour eux. Pour Daniel Palmieri, historien au CICR, les élites du CICR de l’époque assimilaient souvent juifs et communistes, et quand on sait que Burckhardt était un opposant farouche au communisme…
On peut donc conclure que le laxisme du CICR a pu être intentionnel, préférant aider les anciens bourreaux à fuir la justice.
Nous nous pencherons prochainement plus en détail sur l’action du Vatican et notamment du Pape, dans la fuite des nazis.