Walter Louis Dorn, conseiller du gouvernement militaire américain dans l’Allemagne occupée après 1945, déclarait: « Quand les journalistes reporters cherchaient des nazis encore au pouvoir, ils voyageaient souvent de Frankfurt vers Munich ». On le sait, la Bavière fut à l’origine du nazisme, la capitale du mouvement lors de l’apogée du Reich, et un nid d’anciens nazis après la guerre.

Malloth
Beaucoup de criminels comme Anton Malloth (gardien de prison de la Gestapo qui a battu à mort des centaines de prisonniers) purent passer des jours heureux dans la capitale bavaroise, peu inquiétés par la justice et les politiques.
Mais pourquoi Munich a-t-elle été à l’origine de l’avènement du IIIème Reich? Une théorie a vu le jour dans les années 90 grâce à l’historien David Clay Large, afin de comprendre pourquoi la capitale bavaroise a permis à un petit parti parmi tant d’autres de devenir la première force politique d’Allemagne.
Le facteur « bière »
L’une de ces réponses est la figure de proue de la Bavière : la bière. Munich est bien entendu connue à travers le monde pour sa célèbre Oktoberfest, ou fête de la bière, où la mousse coule à flot. Environ 6 millions de litres de bière sont consommés en 2 semaines chaque année. Munich est également connue pour ses brasseries et ses Biergarten qui accueillent les munichois tout au long de l’année. Et le phénomène n’est pas nouveau. Les brasseries, les Biergarten, l’Oktoberfest, existaient déjà lorsqu’Hitler, arriva à la gare de Munich avec sa petite valise, le 25 mai 1913.
Après la première guerre mondiale, c’est bien connu, l’Allemagne fut plongée dans la crise et la misère. Les réparations imposées par les Alliés au vaincu furent insoutenables pour la population. En temps de crise, la consommation d’alcool augmente logiquement. Ce fut le cas dans toute l’Allemagne. Mais la Bavière fut un cas tout particulier. Ses Biergarten et ses brasseries se tranformèrent en véritable agoras. On y parlait politique, on débattait, on se bagarrait. Et on y buvait beaucoup.

Discours d’Hitler à la Bürgerbräukeller
En effet, à Munich, on ne boit pas une pinte, on boit un litre. Une Mass. Ce qui incite à l’ivresse. Un mélange bière/politique qui fut très spécifique à l’état de Bavière. Hitler disait d’ailleurs du peuple: « Si vous désirez la sympathie des masses, vous devez leur dire les choses les plus stupides et les plus crues. » On peut donc imaginer que le peuple, plongé dans la pauvreté, éprouvant du ressentiment d’avoir perdu la guerre, et complètement ivre, puisse être attiré par un homme parlant de choses simples, de vengeance, d’ennemi, de grandeur. L’analyse peut sembler un peu facile. Mais on ne peut nier que c’est bien au sein de gigantesques brasseries telles que la Hofbräuhaus ou la Bürgerbräukeller qu’Hitler a acquis peu à peu sa popularité.
L’historien rappelle d’ailleurs que le célèbre Putsch de la brasserie, fut entrepris le matin suivant une nuit de beuverie à la Bürgerbräukeller où furent brisées 147 chopes de bières dans le chaos. C’est donc un groupe de personnes sous l’effet de l’alcool, qui entreprit la fameuse marche du 9 novembre 1923.
L’arrogance bavaroise
Selon David Clay Large, un autre facteur qui a également permis la création d’Hitler, c’est la mentalité bavaroise. Cette société bavaroise, très arrogante, très traditionnelle et fière de ce qu’elle est. « Mia san mia » comme dit le dicton bavarois: « Nous sommes ce que nous sommes ». Cette mentalité a pu, selon lui, nourrir le nationalisme. Martin Hecht nous rappelle que l’étranger peut ressentir rapidement, au sein de la Hofbräuhaus, la brasserie la plus célèbre du monde, ce mélange agressif de confiance en soi, de patriotisme local et ce sentiment de supériorité, cette impression de dominer le monde qui habite le bavarois, et ce, encore de nos jours. Ce sentiment, mélangé à la bière, aurait entrainé la désinhibition des premiers nazis et les aurait menés sur les chemins du succès. Force est de constater, lorsque vous vivez en Bavière, que les bavarois ont une très haute opinion d’eux-même, persuadés d’être supérieurs aux autres, ce qui leur vaut d’ailleurs une haine féroce de la part des autres Länder d’Allemagne. Les bavarois s’en moquent.
Ils portent fièrement leurs Dirndl et leur Lederhosen, vêtements traditionnels, symbole de la fierté et de la tradition bavaroise. Peut-être ont-il oublié que le Dirndl, la robe à corsage, fut dessinée par le régime national-socialiste.
Une élite complaisante
Le dernier facteur de la naissance du nazisme, selon David Clay Large, est le rôle joué par les élites. Il souligne la responsabilité des élites bavaroises, qui furent complices, voire acteurs de la montée du nazisme. Cette élite bavaroise traditionnelle réactionnaire, profondément anti-démocratique, a appuyé politiquement le nazisme. Elle fit preuve d’un laxisme volontaire, à l’égard des premières exactions des nazis (bagarres de rue, élimination d’opposants communistes etc.). Les sympathisants à l’égard de la cause nazie avaient infiltré les rouages de l’administration bavaroise (l’exécutif, la justice, la police), ce qui permit au NSDAP de prospérer. On comprend peut-être mieux pourquoi Hitler ne fut condamné qu’à 5 ans de prison (il fit une seule année) pour sa tentative de putsch.
Pour résumer, selon David Clay Large, la naissance du nazisme à Munich est dûe à un savant mélange de beaucoup de bière, de mentalité arrogante, et de laxisme politique. Il ne faut bien sûr pas oublier l’appui financier que reçut Hitler de la part de la bourgeoisie munichoise, qui participa amplement à la montée du NSDAP.
Comme quoi, il en faut peu pour faire basculer un pays vers un régime totalitaire.
Sources :
http://la-loupe.over-blog.net/article-putsch-de-la-brasserie-56538546.html
http://www.zeit.de/2012/38/Muenchen-NS-Dokumentationszentrum/seite-2
http://www.slate.fr/story/123373/hitler-et-dirndl-ont-ils-en-commun
Le passage sur l arrogance bavaroise qui est encore ressenti de nos jours d apres l auteur ne m a pas apparu flagrant.J ai ete tres bien acceuilli lors de mes 2 voyages comme dans le fameux village traditionnel aux maisons peintes de Oberammergau,
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