Quand on parle des entreprises qui ont profité du régime nazi, ou qui ont carrément collaboré avec le IIIème Reich, les même noms reviennent souvent : Bayer, et ses expériences sur les détenus des camps, Hugo Boss, qui créa le design des uniformes SS, ou encore Krupp, qui exploita les prisonniers des camps pour ses usines. Mais jamais on n’entend parler de BMW.
BMW, acronyme de« Bayerische Motoren Werke », est une entreprise bavaroise, spécialisée, comme tout le monde le sait, dans la production de voitures. C’est l’un des plus gros fabriquants de voitures au monde, employant plus 120 000 personnes sur le globe. BMW c’est aussi un passé sombre, que l’entreprise aurait bien aimé passer sous silence.

Le siège de BMW à Munich
Il a fallu la diffusion d’un reportage de la chaîne de télévision publique allemande NDR sur la famille Quandt, propriétaire de BMW, pour que l’entreprise, sous pression, accepte d’ouvrir ses archives. Et si on gratte un peu, on tombe vite sur du sale, du très sale.
Un passé sombre
La société BMW fut créée en 1919 à Munich et spécialisée dans la production de moteurs pour avion. C’est à cause du traité de Versailles, qui interdit la production de matériel militaire en Allemagne, que BMW se lança dans la fabrication de voitures, de motos et de camions. En 1933, lorsqu’Hitler devint chancelier, il exigea le réarmement du Reich et BMW passa alors sous la coupe des nazis.

Günther Quandt
C’est là que le rôle de Günther Quandt, connu en Allemagne pour avoir sauvé BMW en rachetant l’entreprise en 1959, devient contestable. À l’époque, Günther Quandt n’est pas le propriétaire de la firme bavaroise, mais il en est l’actionnaire principal. Il a un pouvoir considérable.
BMW se mit donc au service total des nazis, auxquels elle fournissait des moteurs d’avion, des camions, de l’armement. Hitler s’assurait lui-même de la production. La famille Quandt, qui détenait d’autres sociétés, elles-mêmes au service du Reich, s’enrichit de manière considérable, grâce aux commandes du Führer.
Au delà de l’aspect financier, BMW se mit à profiter pleinement des avantages du régime nazi. En effet, l’entreprise se servit des détenus des camps de concentration pour bénéficier de la main d’oeuvre gratuite. BMW a ainsi exploité plus de 50.000 travailleurs forcés, prisonniers de guerre ou personnes issues de camps de concentration (notamment le camp d’Allach), souvent jusqu’à la mort. Les conditions de travail étaient tout simplement insoutenables.
Les Quandt étaient également propriétaires de l’usine d’accumulateurs AG Afa. Sous-marins et bombardiers étaient tous équipés d’accumulateurs sortis du site de Hagen, près du port d’Hanovre. Et Quandt ne se priva pas d’utiliser le même procédé. Le personnel fut fourni par les camps de concentration de Stocken. «Quarante camarades ont été déportés ici avec moi, se souvient Car-Adolf Soerensen, un ancien résistant danois. Six sont morts pendant les trois premiers mois. Le fils de Günther, Herbert, était alors directeur du personnel du site, et des documents prouvent qu’il demandait à l’état 80 nouveaux prisonniers par mois pour ses besoins en personnel. AG Afa devint Varda après la guerre, et la famille Quandt vendit la société à un groupe américain en 2002. Vous connaissez certainement Varda, notamment pour ses piles électriques.
Des excuses publiques
Les Quandt ne furent jamais inquiétés après la guerre, lors de la dénazification, quand d’autres entreprises comme Krupp furent condamnées. La famille est aujourd’hui l’une des plus riches d’Allemagne et jouit d’une belle popularité. Lorsque le scandale a éclaté et qu’on l’a interrogé à ce sujet, l’un des héritiers de la famille, Sven Quandt a déclaré: « Nous devrions une fois pour toute essayer d’oublier tout ça. Il y a d’autres pays où des choses similaires ont eu lieu. » Son frère est venu par la suite à sa rescousse en disant que Sven n’était alors pas « préparé à cette question. » Puis de s’excuser publiquement pour les torts commis par son grand-père, mais en essayant de le dédouaner en déclarant: « Mon grand-père (Günther Quandt), n’était pas antisémite. Pas un national-socialiste convaincu. Et pas un belliciste« .
Günther n’était peut-être pas antisémite, mais il a participé activement à l’aryanisation systématique, en spoliant les entreprises juives afin d’en devenir propriétaire. Il força les non-juifs présents dans le capital de ces entreprises à lui vendre les parts restantes, sous peine de se faire arrêter et de finir en camp de concentration. S’il n’était peut-être pas antisémite, et on a de la peine à le croire, Günther Quandt a quand même profité de l’antisémitime pour acquérir du capital et de la richesse. Sans oublier les fameux esclaves des camps de concentration, parmi lesquels beaucoup de juifs, qui moururent au travail forcé.
De plus, Günther n’était peut-être pas un national-socialiste convaincu, mais il fit partie, dès 1931, du groupe d’industriels pro-nazis qui rencontra Adolf Hitler à l’hôtel Kaiserhof de Berlin et qui finança le NSDAP à hauteur de 25 millions de Reichsmarks pour prévenir d’un putsch de la gauche. C’est encore lui qui, la même année, adhèra à la «Société pour l’étude du fascisme», groupe de pensée qui mêlait conservateurs et nazis. Pour couronner le tout, il prit sa carte au NSDAP très tôt, dès le 1er Mai 1933. Pour quelqu’un de national-socialiste non convaincu, il fut très bien intégré dans les cercles proches d’Hitler. Surtout que Günther Quandt n’était pas un simple membre du parti nazi, il était aussi l’ex-mari de Magda Goebbels, épouse de Joseph Goebbels.

Magda Goebbels
Une relation privilégiée qui lui permettra d’avoir une influence considérable et qui lui permettra de spolier les juifs comme il le souhaitait.
Pour finir, si Günther Quandt n’était pas belliciste, ses entreprises fournissaient le matériel nécessaire aux nazis, dans le but de se préparer à la guerre. Certainement pour l’argent, mais cela ne le dédouane pas de sa culpabilité.
Hélas, les preuves évidentes du rôle des Quandt dans le système nazi ne furent jamais présentées aux juges de Nuremberg. Et les Quandt purent tranquillement racheter BMW, grâce à de l’argent, tâché du sang des victimes du IIIème Reich. Au moins, les Quandt ont ouvert les archives, il ne reste plus qu’à laisser les historiens faire leur travail.
Sources :
http://www.zeit.de/2011/39/Interview-Quandt
http://www.terrepromise.fr/2017/03/20/ces-entreprises-qui-ont-collabore-avec-les-nazis/
https://fr.sputniknews.com/insolite/201603071023187002-bmw-nazis-excuses/