L’Allemagne et la dénazification

Lorsque les soldats américains ont libéré la France, ils n’eurent pas à imposer une dénazification.

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Femmes tondues à la Libération

En effet, la libération du territoire fit sortir de l’ombre et de la clandestinité des individus décidés à punir les « collabos », ceux qui avaient aidé les nazis pendant l’occupation. On a pu assister à des exécutions sommaires, des femmes tondues, des vexations pour des actes moins graves. Il en fut de même en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas.

Qu’en est-il de la situation en Allemagne?

Les Alliés s’attendaient donc à observer des phénomènes similaires après avoir défait l’Allemagne. Hélas pour eux, rien ne se passa comme prévu. La population n’a jamais cherché à punir les anciens collaborateurs du régime. Au contraire, elle les a protégés.

On peut expliquer cela par deux phénomènes. Tout d’abord parce que les groupes de résistance avaient été presque tous éradiqués par le régime nazi et sa redoutable Gestapo. Il n’y avait donc que très peu de membres de la résistance pouvant faire preuve d’autorité légitime pour juger tel ou tel ancien nazi, contrairement aux réseaux actifs en France. De plus, les seuls survivants au IIIème Reich furent quelques communistes, qui furent très vite mis à l’écart par les américains, considérant déjà l’URSS comme une menace et ne voulant pas donner d’importance à leur prochain ennemi.

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Libération de Munich en 1945

Ensuite, il y avait le facteur de la population elle même, qui n’avait aucun ressentiment à l’égard du régime. Pire encore, les nazis avaient bien réussi à imprégner la population allemande de ce qu’on a appelé la « Volksgemeinschaft », ou communauté du peuple uni par de la propagande efficace. Ce sentiment d’appartenance au peuple allemand, supérieur, s’était fortement accentué par les nombreuses victoires allemandes au début de la guerre. Et malgré les défaites, les allemands restèrent unis.

Les Alliés trouvèrent donc à leur arrivée un peuple solidaire, plutôt hostile aux vainqueurs. Ceux qui dénonçaient les criminels nazis étaient considérés comme des traîtres, tandis que l’opinion publique d’après-guerre jugeait que le nazisme était un bon système politique, quoique mal appliqué. De plus, au vu des images des camps de concentration imposées à la population dans l’espoir de retourner l’opinion, la majorité des allemands ont finalement rejeté la responsabilité des horreurs commises, en arguant n’avoir jamais eu connaissance de ces atrocités.

L’opinion d’après-guerre était donc hermétique à tout changement de mentalité. La République Fédérale s’est construite sur les cendres incandescentes du nazisme. En fait, la véritable erreur des Alliés fut de donner la charge de la dénazification aux allemands à partir de 1946. Quand on sait que seuls 14% des allemands considéraient la dénazification nécessaire en 1948…On peut comprendre pourquoi la dénazification n’a pas eu lieu.

Il est donc tout à fait logique d’observer que les anciens nazis, ou proche du nazisme, ont infesté tous les niveaux du jeune état allemand, et ce, jusque dans les élites.

Des élites nazies

En 1956, Lewis Joachim Edinger, professeur allemand émigré aux États-Unis, a quantifié la situation dans le milieu politique et la haute administration: selon lui, 24% de l’élite provenait du personnel d’avant 1945 (et avaient soutenu les nazis).  57% de l’élite était composée d’opportunistes ayant profité du régime nazi et du nouvel état, et les 19% restants représentaient la part des opposants. Ce qui signifie que 81% de l’élite, et donc aux commandes de l’état, étaient des anciens nazis ou des opportunistes. On sait d’ailleurs qu’Adenauer s’est entouré d’anciens nazis tels qu’Hans Globke (qui avait supervisé en 1936 les ordonnances sur les critères de « souillure raciale » du Troisième Reich) pour diriger le pays.

Adenauer est d’ailleurs le responsable de cette intégration des nazis dans l’appareil de l’état. Par sa politique du pardon, il permit à nombre de nazis de devenir députés ou haut fontionnaires, et ce, à des fins politiciennes.

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K.Adenauer

Il souhaitait en effet éviter la création d’un parti composé d’anciens nostalgiques sur sa droite, et s’assurer une réélection. Vu le poids des sympathisants du nazisme dans l’opinion publique, la menace était réelle. Ainsi, en 1953, 20% des députés du Bundestag étaient des anciens membres du NSDAP. 60% des chefs de départements ministériels étaient d’anciens nazis. Enfin, 15 000 postes de fonctionnaires dans les ministères furent pourvus par d’anciens nazis. Il en va de même pour les instituteurs qui furent tous réintégrés à leur poste, des médecins, etc.

Pas étonnant non plus que la loi d’aministie de 1954, qui participa au relâchement de centaines de milliers de personnes dont des criminels de guerre, fut rédigée par le Ministère de la Justice, qui était lui aussi gangrenné par les nazis. Cette loi, de toutes façons, ne changeait pas grand chose à la situation. Les anciens nazis, à partir du moment où les américains ont délégué la dénazification aux allemands, n’étaient nullement inquiétés par la justice. Ainsi, on sait que 250 000 personnes ont participé activement à l’Holocauste (surveillants, manoeuvre, soldats, etc.). La plupart de ces personnes n’a jamais été inquiétée par la justice.

On peut donc constater que la République Fédérale Allemande s’est construite dans la continuité du IIIème Reich, que ce soit au niveau de l’État, ou de la population. Une justice clémente, un état qui pardonne, les américains qui ont plus peur du communisme que du nazisme, une population complice, les bases du nouvel état allemand ne sont pas saines.

On parle souvent du miracle économique allemand, on devrait parler plus encore du miracle démocratique allemand : la naissance de la démocratie avec les rouages du IIIème Reich. Scandaleux.

Sources :

La seconde histoire du nazisme dans l’allemagne fédérale depuis 1945 d’Alfred Wahl, éditions Armand Colin.

http://www.zeit.de/2006/05/NS_Rechtsstaat

 

 

 

 

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