Henry Tandey, le sauveur d’Hitler

En septembre 1918, on commence à apercevoir la victoire du côté des alliés. Après les victoires du mois d’août, les armées franco-britanniques progressent en direction de la ligne Hindenburg. Début septembre, le point stratégique de Drocourt-Quéant est repris. Le front allemand est déstabilisé. Le 27 septembre 1918, un nouveau coup est porté à la ligne Hindenburg installée devant Cambrai et Saint-Quentin. Face à Cambrai, les verrous de Marquion et Marcoing sautent, laissant les troupes du général Byng arriver aux portes de la ville.

Dans cette bataille de Marcoing, parmi les milliers de soldats, il y a un homme : Henry Tandey, appartenant au 5ème régiment des Duke of Wellington’s.

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Henry Tandey

Tandis qu’Henry Tandey avance sur le front, il tombe nez à nez avec un soldat allemand maigrelet et moustachu. Il se prépare à presser la détente de son fusil. L’homme est à terre, blessé et il n’est pas armé. Le soldat britannique est soudain pris de remords. Il ne tire pas, ils se fixent un bref instant, et Henry Tandey repart. L’homme qu’il a laissé derrière lui, c’est Adolf Hitler, 2ème régiment d’infanterie bavaroise.

« Si seulement j’avais imaginé ce qui s’est passé ensuite… Quand j’ai vu le nombre de personnes, femmes et enfants qu’il a tué, je suis désolé… ». C’est ce que déclara Henry Tardey, plusieurs années après la fin de la seconde guerre mondiale, en affirmant avoir sauvé la vie d’un soldat le 28 septembre 1918.

C’est ainsi que nous est racontée la légendaire histoire du soldat britannique qui épargna Hitler. Cette dernière est d’ailleurs appuyée par une petite anecdote surprenante.

En 1938, peu avant la signature des Accords de Munich, Chamberlain fut invité à Berchtesgaden (le « Nid d’aigle ») afin de discuter de la crise des Sudètes avec Hitler. Lors du séjour, il remarqua une peinture accrochée au mur. Celle-ci représentait un soldat britannique transportant un blessé lors de la seconde guerre mondiale.

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Chamberlain et Hitler à Berchtesgaden

Surpris, Chamberlain lui demanda des explications. Hitler lui aurait alors répondu qu’il avait reconnu le visage du soldat qui lui avait sauvé la vie pendant la Grande Guerre, en ajoutant : « Cet homme a été si prêt de me tuer que j’ai pensé ne jamais revoir l’Allemagne ». Hitler lui aurait ensuite demandé de remercier le soldat.

Cette histoire, très connue outre-Manche, est-elle réelle ou une simple légende?

Nous allons essayer de répondre à cette question.

Tout d’abord, la peinture : celle-ci existe bien. Il s’agit d’une oeuvre de Fortunino Matania. Le musée des Green Howards, qui a commandé en 1923 à l’artiste italien la peinture, confirme d’ailleurs qu’une copie du tableau a bien été envoyée à Hitler.

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La peinture de Fortunino Matania

De plus, le musée détient une lettre de Fritz Weidemann, ancien adjudant d’Hitler, les remerciant: « Le Führer s’intéresse naturellement beaucoup aux choses liées à ses propres expériences. Il était visiblement ému quand je lui ai montré la peinture ».

Il est donc tout à fait possible que Chamberlain ait vu le tableau et qu’il en parle avec Hitler.

Maintenant, il nous faut analyser les faits historiques. Hitler et Tandey pouvaient-ils se trouver au même endroit le 28 septembre 1918? Selon les archives, les troupes de Tandey se trouvaient bien dans la région de Marcoing. En ce qui concerne le régiment d’Hitler, le Dr Johnson, biographe officiel d’Henry Tandey, est allé voir dans les archives de l’État de Bavière. Et la réponse est, selon lui, sans appel. Le régiment d’Hitler a recu un congé et envoyé à l’arrière du front, à 80 kilomètres au nord de Marcoing, entre le 25 et le 27 septembre. Il est donc impossible qu’Hitler ait pu rencontrer Tandey le 28 septembre. Le Dr Johnson, est catégorique: « Hitler était en congé ou en retour de congé mais pas sur le front ».

Une preuve historique qui vient contredire la légende. De plus, il n’existe aucune trace écrite de la soi-disante conversation entre Hitler et Chamberlain. Chamberlain ne l’a jamais mentionné nulle part.

Enfin, il semble improbable qu’Hitler ait pu reconnaître Tandey sur une simple peinture, quand on sait que sur un champ de bataille, les soldats étaient souvent méconnaissables, par la boue et le sang qui recouvraient leurs visages.

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Hitler (en haut à droite) avec son chien « Fuchsl »

Si on peut presque assurer que la légende est fausse, on ne peut cependant pas retirer à Henry Tandey ses actes de bravoure. Récipiendaire de la croix de Victoria, il fut le soldat non gradé britannique le plus décoré de la Première Guerre mondiale. Étrange que l’on prête cette légende à l’un des plus grands héros de guerre. Peut-être le but était-il tout simplement de le faire passer un peu plus encore à la postérité?

 

 

 

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