PEGIDA est-il nazi?

PEGIDA. Quand vous êtes munichois, impossible de passer à côté de ce nom. Vous les rencontrez souvent, le samedi, à l’Odeonsplatz ou sur la Marienplatz (deux des places les plus importantes du centre-ville). Ils ne sont en général pas très nombreux, mais ils arrivent à faire pas mal de bruit.

Vous avez, face à eux, la plupart du temps, l’extrême-gauche pour essayer de perturber au maximum le rassemblement crée en 2014, et qui signifie littéralement « Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident » (en allemand: « Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes », abréviation PEGIDA). La police est souvent présente pour éviter que les choses ne dégénèrent, car il faut le dire, cela sent souvent la poudre!

Comme son nom l’indique, PEGIDA se bat pour une seule raison: empêcher l’islamisation de l’Europe. Les manifestants demandent des mesures précises: Plus de policiers, fin de la politique d’immigration, tolérance zéro à l’égard des groupes extrêmistes religieux. Ils mettent en avant la culture allemande menacée. Cela peut rappeler les thèmes d’un Front National bien de chez nous. Mais PEGIDA est-il nazi, comme le scandent leurs opposants? Nous allons essayer d’y répondre.

Tout d’abord, peut-être est-il important d’en savoir plus sur les leaders de PEGIDA. Leurs parcours, leurs profils, et leur proximité ou non, avec les mouvances nazies.

Commençons donc par les membres de PEGIDA:

Lutz Bachmann: cofondateur. Un homme de 44 ans, connu des forces de police pour des faits de grande délinquance (braquages, drogues), c’est un homme au passé sulfureux. Il prend la direction de PEGIDA en 2014. C’est lui qui a initié les premiers rassemblements à Dresde. S’il assure que c’est un mouvement pacifiste, qui rejette les skinheads, ces derniers sont pourtant bien nombreux aux manifestations. Lui se dit révolutionnaire, luttant contre les bien-pensants. Plusieurs fois condamné pour des propos injurieux à l’égard des migrants qu’il qualifie de « bétail » et de « tas de merde », il s’est récemment affiché en photo déguisé en Hitler. Si cela peut être une mauvaise blague, venant d’un homme approchant la cinquantaine, responsable d’un mouvement politique qualifié d’extrême-droite en Allemagne, le fait n’est pas anodin. Comme l’a déclaré le représentant du SPD, Sigmar Gabriel, celui qui se déguise en Hitler est soit « un parfait idiot ou un nazi ». Et Bachmann est loin d’être un idiot. Le scandale avait été tel qu’il avait dû démissionner de ses fonction. Il a été réinstallé à la tête de PEGIDA un mois après son éviction. À noter que sa femme, Vicky, est également membre du mouvement.

Lutz-Bachmann-and-Hitler

Lutz Bachmann déguisé en Hitler

Kathrin Oertel: Cofondatrice. Une femme de 39 ans, porte-parole de PEGIDA et qui a démissionné lors du scandale du cliché de Bachmann. Elle assure ne pas être raciste ou xénophobe mais vient d’accepter de travailler pour l’AfD, parti d’extrême-droite qui accueille en son sein des nazis, et qui gagne du terrain lors d’élections locales, en particulier dans le nord et dans l’est de l’Allemagne.

Siegfried Däbritz: Cofondateur. Cet entrepreneur dans la sécurité est un proche de Bachmann (il était présent à son mariage). C’est un fan de moto, proche de l’univers hooligan. Il était même membre du groupe « Hooligans Elbflorenz » et de « Hoogesa » (Hooligans against salafists). En 2015, il a déposé une requête pour intégrer le parti AfD, cité plus haut. Et pour couronner le tout, un casier judiciaire bien rempli.

Il existe d’autres membres que je pourrais citer ici, mais le but n’est pas de faire un catalogue. Mais on voit clairement que les leaders de PEGIDA sont très proches des milieux d’extrême-droite.

Des mots et une symbolique

Mais le rapprochement avec le nazi s’effectue surtout dans les mots que PEGIDA utilise, et les symboles qu’elle reprend à son compte.  À Munich, elle choisit souvent la Feldherrnhalle pour les rassemblements. C’est un lieu hautement symbolique pour les nazis puisque c’est ici, que le 9 novembre 1923, Hitler, qui avait lancé son putsch et marchait avec 2000 manifestants vers le ministère de la guerre pour en prendre le contrôle, fut stoppé par la police. On dénombra 16 morts chez les putschistes, et l’évènement créa un mythe chez les nazis, celui du drapeau tâché de sang. Lorsqu’Hitler prit le pouvoir, la Feldherrnhalle devint un lieu sacré: obligation de faire le salut nazi en passant devant la plaque commémorative en hommage aux morts de 1923. Parades aux allures païennes, dépôt de gerbes de fleurs, défilés militaires, je vous recommande cette vidéo youtube sur le sujet.

Et les manifestants de PEGIDA n’ont pas oublié la symbolique du lieu. Comme le dit ouvertement Micky Wenngatz, un cadre du mouvement, la Feldherrnhalle est:

« un lieu où un mouvement était né par le passé, et qu’il était temps de répéter l’Histoire, et qu’une nouvelle marche rassemblant des milliers de personnes, de Berlin à Munich, doit partir d’ici ».

Réjouissant.

La rhétorique nazie est également très présente dans les slogans des manifestations : « traîtres à la patrie », « presse mensongère », et même le terme « völkisch » , que l’on peut traduire par « ethnique » et qui est totalement connoté. Les nazis employaient ce mot afin de marquer la supériorité de la race aryenne. Le leader de PEGIDA à Munich, Heinz Meyer, n’avait pas hésité à reprendre les termes de Joseph Goebbels lors d’un rassemblement, en parlant des terroristes: « Ils veulent la guerre totale »( Gobbels avait fait un discours en février 1943, lors de Stalingrad et demanda si l’ennemi voulait la guerre totale. Vidéo impressionnante ici).

Conclusion:

Si PEGIDA ne regroupe pas que des nazis, mais également des nationalistes, des hooligans, des identitaires, il faut que le gouvernement allemand surveille d’au plus près la trajectoire de ce mouvement. Rappelons que le NSDAP ne fut qu’un petit parti politique comme il en existait des centaines d’autres à l’époque.

 

Sources:

http://www.handelsblatt.com/my/politik/deutschland/lutz-bachmann-ein-ziemlicher-idiot-oder-ein-nazi/11259114-2.html

http://www.sueddeutsche.de/muenchen/rechtsextremismus-empoerung-ueber-pegida-demo-vor-der-feldherrnhalle-1.2687355

http://nopegida.blogspot.fr/2016/05/siegfried-dabritz.html

 

 

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